Pour obtenir des gains de productivité, une des bonnes idées consiste à revoir la façon dont on travaille. Pour cela les méthodes Lean nous enseigne qu’il faut surveiller les Mudas!
Du coup, après mon article sur les 7 gaspillages, voici un peu plus de détail sur les mudas. Le terme vient du Japonais et signifie « inutile ». Il vient du Lean Management et du Toyotisme.
Ayez en tête cette liste… Après tout, pour améliorer, pas la peine de réinventer la roue! Les mudas, ce sont les 7 domaines dans lesquels vous pourrez rechercher des économies et des réductions de coûts.
La méthode vient de l’industrie. Aussi il faut potentiellement adapter les sujets, notamment si vous êtes dans une activité tertiaire. Le principe est simple. Il s’agit de supprimer tout ce qui n’est pas une valeur ajoutée pour le client final! C’est à dire tout ce que ce dernier ne voit pas ou ce qu’il n’est pas prêt à payer.
La Surproduction est le 1er des Mudas
Il s’agit du fait de produire plus que ce qui est demandé, ou encore au mauvais moment. Globalement on peut parler de surproduction à partir du moment où on l’on produit quelque chose qui ne correspond pas directement à la demande du client.
On pourra donc notamment y intégrer (si on transpose) la question de la surqualité. Il n’est pas rare en effet de constater que certains, vont passer plus de temps que nécessaire à une tâche. C’est toute la noblesse de l’artiste ou de l’artisan qui aime son oeuvre, Plus que nécessaire dans le sens, où il vont peaufiner cette tâche en visant la perfection plus que l’efficacité opérationnelle. “Done is better than perfect” faut-il alors se rappeler.
Si on transpose aussi dans le domaine du projet, cela consistera à produire des fonctionnalités ou une solution trop avancées par rapport au besoin de l’utilisateur. Il faut alors également se souvenir des approches de type Agile Scrum ou encore Lean Startup. Ces approches ont tendance à se focaliser sur le Minimum Viable Product (MVP), c’est à dire le strict minimum qui est requis pour satisfaire le client.
Pourquoi la surproduction est-elle un problème? Parce que justement vous avez utilisé des ressources sur quelque chose que le client n’a pas demandé. Voire pour lequel il ne verra pas de valeur ajoutée, dans la Philosophie Lean. Il y a donc moyen de réduire l’effort correspondant puisque cela ne changera pas la valeur ajoutée (et le prix de vente). C’est une réduction potentielle des coûts.
Gaspi n°2 : Le Surstockage ou les Stocks Inutiles
Ce point est assez similaire au précédent, si ce n’est qu’il se produit aussi dans les stocks intermédiaires ou les tâches internes. Elles sont par définition encore moins visible du client.
Le surstockage peut venir d’une mauvaise organisation ou encore d’une mauvaise planification / anticipation. On va alors dépenser de l’énergie voire des coûts pour des stocks intermédiaires alors qu’ils n’ont pas de valeur ajoutée. Cela représente notamment du capital immobilisé inutilement.
Si on transpose à des activités tertiaires, on va trouver de stocks inutiles à de nombreux endroits. Cela va être vrai pour les achats indirects par exemple, avec des stocks supérieurs à la demande. D’autant plus inutile que bien souvent, les délais de livraisons sont de plus en plus courts.
A chaque fois, qu’on a un goulet d’étranglement dans un processus (ex. étapes de validation, des actions manuelles…), on aura en amont de ce goulet des équipes qui ont travaillé mais dont la valeur est réduite par cette notion de sur-stockage.
On est donc bien là sur une idée centrale de la philosophie Lean… Fluidifier le processus pour réduire les coûts in fine.
Gaspi n°3 : Transports et Déplacements Inutiles
C’est une autre idée clé dans l’approche lean, puisqu’elle s’intéresse notamment à la disposition physique et aux emplacements. Ainsi, le fait de déplacer de la matière ou des composants est une perte de temps et de ressources. L’exemple typique consiste à passer des composants durant la production d’une chaîne de fabrication à une autre. Plus la distance entre les deux chaînes est élevée et plus on dégrade la valeur ajoutée. On peut se demander, pourquoi, alors que le concept est connu dans l’industrie depuis des décennies, on a pu laisser autant d’usines se délocaliser… Sans aucun doute parce que le coût de la main d’oeuvre compensait le surcoût de transport… mais pour combien de temps?
Si on transpose cette notion dans un monde tertiaire, il suffit de regarder quelques workflows de validation ou quelques chaînes d’envois d’e-mails pour se rendre compte qu’on a tendance à “faire transiter”, à déplacer des informations et des dossiers inutilement. Cela peut sembler accessoire, mais c’est bien un Muda et un gisement potentiel d’économie. On a perdu du temps (à regarder, à traiter, à renvoyer…) mais aussi du délai (rallongé inutilement).
De même, au niveau d’un projet, certains points sont inutilement escaladés à des Comités de Direction, alors qu’ils pourraient être traités et décidés directement au niveau d’une équipe projet. On rejoint ici des points qui relèvent des méthodologies Agile et de la responsabilisation des équipes.
D’une façon générale, il est intéressant d’observer les interactions entre les différentes équipes ou services (ou sites). C’est une bonne façon d’identifier des améliorations possibles du processus (en déplaçant les responsabilités sur certaines tâches notamment). Certaines solutions de process mining prévoient d’ailleurs cette fonctionnalité!
4ème des Mudas : Le Surprocessing ou les traitements inutiles
Ce point rejoint également un peu celui de la surqualité, évoqué plus haut. Il s’agit des tâches ou étapes d’un processus, qui ne servent à rien ou en tout cas qui ne font pas de différence par rapport à la valeur perçue par le client (et ce qu’il acceptera de payer!).
Un exemple extrême (dont je suis fan absolu), c’est celui des étapes de validation… Une étape de validation relève par définition, dans la philosophie Lean, de la non valeur ajoutée. D’abord, parce que le client ne serait pas prêt à la payer en plus (après tout, il s’attend forcément à de la qualité, donc c’est acquis pour lui). Par ailleurs, s’il y a une étape de contrôle c’est qu’il y a des défauts en amont. On a donc passé du temps, à faire des tâches inutiles (puisqu’elles ne respectent pas les standards attendus de Qualité…). On a donc “produit des défauts”. Ils sont certes rattrapés par l’étape de Contrôle et de Validation mais tout cela est, par essence, contre-productif… Il fallait faire bon du premier coup!
Des exemples de traitements inutiles existent un peu partout y compris dans le tertiaire. Pour faire le lien avec le cas de validations que nous citions ci-dessus, on peut par exemple citer la question du reporting. Certains tableaux de bord sont complexes à réaliser et consommateurs de temps… Pour autant ne sont-ils remplis que d’indicateurs pertinents? L’ensemble du reporting sera-t-il nécessaire (ou a minima utile) pour prendre une décision? Ou au contraire a-t-il fait perdre du temps aux salarié.e.s pour le constituer?
Les Mouvements Inutiles sont le 5ème des mudas!
Ce point se rapproche de celui des transports inutiles, si ce n’est qu’on se positionne cette fois au niveau du poste de travail. La question ici est de savoir si l’employé dispose facilement de l’ensemble des éléments dont il a besoin pour effectuer ses tâches. Dans une usine cela signifiera de s’assurer que les outils sont correctement positionnés, que l’ergonomie du poste de travail est adaptée.
Au-delà de cela, dans toutes les situations il est utile de vérifier ce point. Dans la conception d’une application informatique par exemple, il faudra s’intéresser à l’ergonomie de l’IHM (Interface Homme Machine) pour s’assurer que l’utilisateur ne perde pas de temps dans l’utilisation des différents écrans et fonctionnalités. De même, dans de nombreuses activités il s’agira de mettre à disposition l’information utile. Si un opérationnel doit prendre une décision mais que pour avoir les éléments qui lui servent à prendre cette décision, il doit aller chercher dans plusieurs applicatifs, cela relève du mouvement inutile…
De même des référentiels non à jour, des données erronées ou incomplètes… tout cela va générer un surcoût à travers non seulement les décisions prises sur de mauvaises bases mais aussi tout simplement à travers le temps passé par les salarié.e.s à naviguer dans leur environnement de travail. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la relation client, où le Référentiel Client Unique et la Vue 360 Client sont de plus en plus déployés.
L’usage des applications informatiques étant désormais généralisé, il y a fort à parier que l’ergonomie des applications soit de plus en plus en plus critique pour éviter les mouvements inutiles issus de la digitalisation.
Erreurs, Défauts et rebuts… nous en sommes à 6 Mudas
A chaque fois qu’il y a une erreur il y a un potentiel d’économie!
Tout simplement parce que, comme je le disais plus haut, on a passé du temps à générer l’erreur. Mais en plus, on va passer du temps à essayer de “rattraper le coup”. Une erreur c’est donc un énorme gaspillage de coûts. Sans parler du fait qu’on risque de mécontenter un client, voire (bien pire…), de le perdre. Il faut donc éviter de produire des erreurs et du rebut!
Cela peut sembler évident mais ce n’est pas une raison pour ne pas le mentionner. Si vous cherchez à réduire vos coûts, intéressez-vous, comme dans l’industrie, aux taux de rebuts, aux erreurs, aux choses qu’il a fallu rattraper. C’est une très bonne façon de repenser et d’améliorer son processus et d’être ainsi plus productif.
Dans un domaine complètement différent et bien plus abstrait, nous avons de notre côté par exemple, étudié les propositions commerciales qui étaient refusées ou qui nécessitaient des aller-retours pour repenser notre processus de vente et le rendre plus efficace.
Les Temps d’Attente et les Délais sont le dernier des mudas traditionnels
Enfin, le dernier des mudas recensé dans les 7 Gaspillages du Lean, c’est celui du délai. Il est toujours surprenant de voir à quel point on peut corréler le délai avec la charge. Mais on l’a vu à plusieurs reprises dans les exemples pris ci-dessus, assez souvent, la charge de travail et/ou les surcoûts (au sens directement financier) sont liés à des délais.
Ainsi, lorsque je “produis” alors qu’il y a une étape de validation au bout. Quand je dois déplacer mon flux d’une équipe à l’autre. Quand j’ai des goulets d’étranglement dans mon processus… Tout cela va se traduire par un délai supplémentaire et inutile. Un délai qui va rallonger le moment où le client va recevoir son produit ou son service et donc le moment où l’argent va rentrer!
Aller rechercher les délais inutiles, observer les temps d’attentes, est donc une bonne façon d’améliorer son processus et faire des économies par la même occasion. C’est donc une très bonne approche pour avancer dans sa démarche de réduction de coûts. Sans compter qu’en règle générale, le thème de la réduction peut crisper… Celui du délai (“délivrons plus vite!”) est moins clivant.
De plus, il y a un autre bénéfice. En effet, en réduisant les délais, on augmente, le plus souvent la satisfaction du client final… voire même on peut imaginer un service “premium” avec des délais plus courts. Que le client serait peut-être même prêt à payer. Réduire les coûts et augmenter les revenus… quel plaisir!
Cerise sur le gâteau : les compétences sous-exploitées
Si traditionnellement les Mudas sont au nombre de 7, il est devenu coutumier d’en ajouter une huitième : celle des compétences non utilisées. Cela rejoint le point évoqué plus haut sur la formation et l’implication du personnel.
C’est somme toute assez logique (et peut-être même “sain”) d’ajouter ce 8ème point quand on parle de lean, puisque la méthode, comme la plupart des démarches d’amélioration repose sur l’intelligence collective. Dès lors, avoir des personnes impliquées, formées et en capacité de proposer des améliorations est une façon de soutenir des démarches d’amélioration.
Ce n’est pas forcément un levier de réduction des coûts, mais sans aucun doute un point à méditer quand on veut s’assurer qu’on atteint un niveau satisfaisant d’efficience et de performance opérationnelle.
Un bon Muda est un Muda… éliminé!
Vous le voyez, l’avantage des Mudas c’est d’avoir un cadre clair d’analyse et d’observation de vos processus. A mon sens, les méthodes d’amélioration continue sont ainsi très utiles pour étudier les activités métier, y compris dans le monde des services.
En ce sens, elles sont d’autant plus pertinentes et efficaces lorsqu’elles sont combinées avec une démarche IT. On peut ainsi faire en sorte d’accélérer les observations (par exemple avec la process intelligence). Mais on trouve aussi de nouveaux axes d’amélioration (ex: l’automatisation des processus). Enfin, on va pouvoir mobiliser, communiquer et pérenniser autour des démarches d’amélioration par exemple au travers de tableaux de bord et d’indicateurs.
Mes sujets préférés sont les processus, la data et l’excellence opérationnelle!
N’hésitez pas à me faire un retour sur cet article ou à me contacter sur LinkedIn pour partager nos actualités!
Stéphane